En habit d'imposture et de supercherie.../..."
Une lettre ouverte à Madame Brigitte Macron
"Kurde de Syrie, d’origine d’Afrin “ville occupée par la Turquie depuis 2018”, titulaire d’un diplôme M2 en Lettres Modernes de Paris III en 2006, je vis actuellement dans la région d’Adjazeré au Rojava. Je suis une des membres fondatrice de l’initiative écologique “Les Tresses Vertes“, une initiative civile qui a débuté en octobre 2020 et qui a pour but de lutter contre la désertification, d’améliorer le climat en augmentant les espaces naturels de “verdure”, et de sensibiliser la population pour les questions environnementales. Nous avons déjà lancé une campagne de plantation de 4 millions d’arbres sur cinq ans.
Sans aucun doute, êtes-vous déjà consciente de la situation dramatique des syriens qui souffrent depuis dix ans des impacts d’une guerre interminable. Des villes complètement détruites, des infrastructures endommagées, le manque de sécurité, les déplacements perpétuels… etc. Comme si nous étions condamné.e.s à souffrir, comme si le malheur nous poursuivait, toutes sortes d’armes ont été utilisées contre nous. Cette année est marquée par une sécheresse exceptionnelle, à cause du manque de pluviométrie, mais, ce qui aggrave cette situation, sont les politiques des pays voisins comme la Turquie menées contre Rojava et le Nord Est de la Syrie. L’État turc ne se limite à des agressions en occupant et morcelant nos terres, mais il essaie de nous faire fléchir, par l’instrumentalisation de l’eau, telle une arme.
En effet, pour la deuxième année consécutive, et en continuité depuis quatre mois, l’État turc continue de répéter le même scénario, en réduisant le débit d’eau de l’Euphrate, qui a baissé de 60% au cours des deux dernières semaines, bien que le fleuve soit l’une des plus importantes ressources d’eau et moyen de subsistance pour la région. Cette violation flagrante des accords et des conventions internationales que la Turquie a signés, donnera lieu à des répercussions catastrophiques sur le plan environnemental et humain, non seulement dans les régions du nord de la Syrie, mais tout le long du bassin fluvial en Syrie et en Irak.
La question de la réduction de la part de la Syrie dans l’eau de l’Euphrate n’est pas récente, et ce n’est pas la première fois que la Turquie coupe l’eau et menace la vie des habitants. La Turquie a déjà asséché des ruisseaux et des rivières en Syrie, tels que le Khabur, le Sajur, le Jaqjaq, le Tigre, le fleuve Noir, etc.
Ces pratiques systématiques par l’Etat turc ont des effets négatifs directs sur la situation environnementale dans l’ensemble des zones du bassin de l’Euphrate, menacées par la désertification en raison du manque de couverture végétale et de la confiscation de ces ressources en eau. Par là même, la Turquie cible les moyens de subsistance des populations et menace la sécurité alimentaire.
Les risques et conséquences désastreuses de la coupure de l’eau du fleuve de l’Euphrate ne se limitent pas à ses effets directs sur des millions de syriens, mais de façon plus générale, elle met en péril l’environnement, l’équilibre écologique et va accentuer le changement climatique et ses impacts négatifs directs sur les ressources de vie comme le bétail, et les poissons. La couverture végétale diminuera. La production agricole et leur fertilité des sols baisseront.
La coupure d’eau dévastera des secteurs d’activité qui ont besoin d’eau en abondance, dont le plus important est l’agriculture, les industries extractives. La productivité des cultures diminuera et le sol sera exposé au risque d’érosion, qui conduit à l’épuisement de ses nutriments pour les plantes. En violant l’équilibre de la diversité biologique, cela entraînera la perte d’espèces végétales et animales qui ne pourront plus croître et se multiplier de manière adéquate… Et, facteur très important, cela exposera les habitants à des maladies et deviendra un catalyseur de la propagation intensive des épidémies.
Selon les lois internationales régissant le droit d’accès à l’eau, la Syrie bénéficie d’un débit de 500 mètres cubes/seconde (accord signé avec Damas en 1987), afin de maintenir l’équilibre, surtout après la construction du barrage sur l’Euphrate. La poursuite des coupures d’eau aura des répercussions sanitaires et humanitaires, notamment pendant cette période difficile de l’épidémie Covid-19, où chacun.e est sensé.e faire attention à l’hygiène et à l’utilisation de l’eau potable. La population est confrontée à la soif et à la famine. Les installations hydro-électriques ne pourront plus non plus produire. Les principales agricultures seront en danger car il n’y aura plus d’eau pour les arroser.
Madame, en vous adressant cette lettre, si je me permets de vous informer de la gravité de cette situation environnementale, c’est pour solliciter votre soutien public, afin de faire pression contre l’Etat turc pour qu’elle relâche l’eau de l’Euphrate confisquée, afin d’éviter un écocide et des catastrophes imprévisibles, si la coupure continue.
Je vous salue chaleureusement et je vous remercie d’avance, Madame, à l’attention que vous voudrez bien porter à ma lettre.
Je vous prie de croire, Madame, à l’assurance de ma sincère considération"
Gulistan SidoLA TRESSE VERTE
Qamichlo Rojava le 2 mai 2021
0 Comments